Bisphénol A : Poitiers a vu juste

En janvier 2010, les crèches publiques de Poitiers avaient retiré de leurs stocks l’ensemble des biberons contenant du bisphénol A. Une étude de l’Inserm, à laquelle une centaine de femmes poitevines a collaboré, tend à démontrer que les phénols augmentent le poids de naissance des garçons.

Arnault Varanne

Le7.info

Au quotidien, nous sommes tous exposés à des substances chimiques plus ou moins nocives. Notamment aux phénols et phtalates, présents dans la composition de produits de consommation courante tels que des bouteilles plastiques, CD, crèmes solaires, biberons… 

Une étude épidémiologique, coordonnée par l’Unité Inserm U 823 de Grenoble et dont les résultats viennent de paraître dans la revue Environmental Health Perspectives, suggère l’influence de ces perturbateurs endocriniens sur la croissance des futurs bébés. 

« La plupart des femmes enceintes (ndlr: 95%) sont exposées à ces substances, contre lesquelles le placenta ne constitue généralement pas une barrière efficace », détaille Rémy Slama, coordinateur de l’enquête Inserm. Quatre-vingt-dix Poitevines -et une centaine de femmes de Nancy- ont contribué à cette étude dans le cadre de la Cohorte Eden, un vaste programme démarré en 2003 impliquant neuf cent soixante mères –environ deux mille avec Nancy- et leurs enfants(*). Outre le bisphénol A (BPA) et la benzophénone 3, associés à une augmentation du poids et du périmètre crânien à la naissance des garçons, d’autres phénomènes sont associés à une diminution du poids à la naissance.

Principe de précaution 

« Certains phénols ont des effets possibles sur la croissance du fœtus, reconnaît le chercheur de l’Université de Grenoble. Une exposition maternelle à ces produits répandus dans l’environnement pourrait avoir des effets délétères sur la croissance de l’enfant. » De là à penser que le retrait anticipé des biberons en plastique des crèches poitevines, en janvier 2010, était judicieux, il n’y a qu’un pas qu’il convient de franchir. Et cela même si l’efficacité de la mesure semble discutable, les biberons n’étant qu’une source d’exposition parmi d’autres. 

À l’époque, Régine Laprie, adjointe au maire de Poitiers chargée de l’action sociale, de la santé et de la petite enfance avait invité à « changer de pratique en douceur pour le bien-être des tout-petits ». 

A signaler qu’aujourd’hui, le bisphénol A est classé substance reprotoxique de catégorie 3, c’est-à-dire jugée « préoccupante pour la fertilité de l’espèce humaine, en raison d’effets toxiques possibles » sur la reproduction. Des effets jusque-là non démontrés. 

Gageons que l’étude Inserm devrait éveiller encore un peu plus les consciences sur les dangers des phénols. 


(*) Le consortium de recherche associait des équipes de l’Inserm Grenoble, Rennes et Villejuif, plusieurs CHU et maternité (dont Poitiers) et le Center for Disease Controls and Prevention d’Atlanta (USA). Outre le bisphénol A, les dérivés du 1,4-dichlorobenzène, de la benzophène 3, des parabèns et de certains phtalates ont été passés au crible

Plus d’infos sur www.inserm.fr/actualites 

_______________________________________________
Cohorte Eden, qu’ès aco ?  

Depuis 2003, le CHU de Poitiers participe à une Etude des déterminants pré et post natals du développement et de la santé de l’enfant (Eden). Cette étude implique neuf cent soixante femmes, qui sont suivies dès leur grossesse et jusqu’aux 8 ans de leur enfant. « L’objectif consiste à recueillir des données pendant la phase de grossesse et la petite enfance », explique Lorraine Douhaud, sage femme enquêtrice pour l’étude Eden. Une partie des enfants nés entre mai 2003 et décembre 2005 fait ainsi chaque année l’objet d’une enquête approfondie, qu’il s’agisse de questionnaires à remplir par leurs parents ou de visites à l’hôpital. Au côté de la sage-femme enquêtrice, la psychologue Marielle Paquinet a réalisé des tests de développement de l’enfant, de manière à obtenir des données plus « qualitatives » telles que ses capacités intellectuelles, de mémorisation, son langage. Au final, ces données ont alimenté une vingtaine d’études nationales et internationales sur l’environnement, la nutrition maternelle, la croissance… 

À lire aussi ...