Régis Bonnessée : même joueur joue encore

Régis Bonnessée. 45 ans. Fondateur de la maison d’édition Libellud et père de Dixit, le jeu de société aux millions de fans. Né à Parthenay, a « grandi » à Poitiers, s’épanouit aujourd’hui à Paris. Vient de lever 6M€ en quelques jours pour la sortie d’un nouveau jeu de cartes à collectionner, Altered.

Arnault Varanne

Le7.info

Bien sûr, il y a le chiffre. Enorme. 6,21M€. « Au-delà de la somme brute, l’une de mes plus grandes fiertés, c’est cette communauté de milliers de personnes qui s’est créée, échange... » Régis Bonnessée a le triomphe modeste. Et pourtant, « son » futur jeu de cartes à collectionner est né sous une bonne étoile sur la plateforme de financement participative Kickstarter. Dans le souffle du succès des licences mythiques comme Magic, Pokemon ou Yu-Gi-Ho, Altered vise un public de passionnés, mus par des envies d’optimisme, de bienveillance et de partage. Le tout avec des cartes uniques à découvrir dans des boosters. Le patron du studio Equinox mesure la « responsabilité » qui pèse sur ses épaules. Mais le poids de l’attente ne semble pas l’écraser.

Flippé, Régis ? Plutôt Flip en réalité ! Le Parthenaisien se définit comme un « pur produit » du Festival ludique international de Parthenay. Ce fils (unique) de prof de sciences naturelles et d’institutrice y a usé ses fonds de culotte jusqu’à la majorité. Du 
« je » au « jeu », à moins que ce ne soit l’inverse. En juillet, c’est naturellement en Gâtine qu’il présentera Altered. Le gamin « un brin immature, rêveur et dans [sa] bulle » a grandi et enchaîné les succès. Et dire que tout a démarré par une licence d’histoire... « Disons que j’ai suivi le mouvement ! Mais un jour, l’un de mes voisins avait un rendez-vous à l’ANPE. Je suis allé avec lui, sans doute parce que j’avais le syndrome du bon élève. Et Poitiers Jeunes m’a offert mon premier job dans l’infographie. »

Pourquoi pas moi ?

Le Parthenaisien revendique une part d’impro dans son parcours d’entrepreneur. Des heures à 
« brancher 4 PC en réseau » pour expérimenter, se former aux logiciels de montage, la 3D. Bien lui en a pris. Il y a aussi ces « six-sept ans » à voir défiler des porteurs de projet, jusqu’à se demander : pourquoi pas moi ? « Je crois en la force qui naît de l’envie, il faut suivre ses envies et ne pas trop s’oublier. L’échec fait partie du processus. » 
Sans un rond ou presque, Régis Bonnessée a sauté le pas. Son premier jeu édité avec la casquette d’auteur s’appelle Himalaya, il est sélectionné pour le Spiel des Jahres, l’Oscar allemand du jeu de société créé en 1978, un an avant sa naissance. Pas de hasard !

La suite fut du même tonneau : Dixit et ses 12 millions d’exemplaires vendus dans le monde, Mysterium, Seasons, Dice Forge... Sa maison d’édition Libellud a croulé sous les récompenses et engrangé les succès commerciaux. Question d’éducation, sans doute, le Poitevin d’adoption et désormais Parisien à plein temps -il a cédé sa boîte en 2020 à Asmodee- ne s’est jamais pris pour un autre. « Il ne faut pas rouler des mécaniques quand on participe à une belle histoire, il faut juste en parler de façon positive. Si on met l’ego à son service, on peut devenir odieux. » Alors l’auteur continue à tracer son sillon, à se « mettre à la place des joueurs et imaginer leurs émotions ». L’ado « un peu introverti » a 
« pris de l’assurance », de l’épaisseur humaine aussi, même s’il pas « pas trop bougé sur les valeurs ».

« Passionné de rien 
mais curieux de tout »

Son expérience de dirigeant de plusieurs entreprises -Equinox compte 30 collaborateurs- l’a aussi renforcé dans l’idée que l’aventure ne peut être que collective. Lui qui a « parfois du mal à faire des choix radicaux » par altruisme sait que ce « défaut » 
peut se révéler être une qualité. 
« J’aime l’échange, notamment avec des gens qui ne pensent pas comme moi. Les réseaux sociaux, par exemple, me permettent de comprendre le monde dans lequel je vis. » Reste que rien ne remplace le jeu de plateau qui, « pour 10-15€, permet de s’amuser à six des soirées entières ». Et en l’espèce, il ne fait pas semblant, joue 
« à l’instinct et pour gagner », 
quitte à « utiliser toutes les stratégies » pour arriver à ses fins. Ce grand fan de Dune (le livre) aime au-delà s’évader dans les livres et picorer les nouveautés comme l’intelligence artificielle lorsqu’il ne phosphore pas autour d’un nouveau concept. 
« Passionné de rien mais curieux de tout. » Ainsi fonctionne l’homme qui valait 6M€.

À lire aussi ...