Sainte Catherine Poey

Catherine Poey. 68 ans. Présidente du Secours catholique du Poitou. Catholique revendiquée. Mère de trois enfants et grand-mère de six petits-enfants. A fait de l’ouverture aux autres un moteur de vie. Signe particulier : se bat contre le conservatisme et l’immobilisme dans l’Eglise.

Arnault Varanne

Le7.info

Elle aime Cold Play et Bach, Ken Follett et Véronique Margron(*). Au rayon culturel, Catherine Poey cultive l’éclectisme. « Je ne lis pas que des trucs religieux ! », glisse-t-elle dans un grand sourire. La foi, c’est pourtant le fil rouge de sa vie, elle qui est née et a grandi dans un foyer de cathos « modérés ». 
Les déménagements -dix-sept au compteur- ne l’ont jamais fait dévier de sa route. De Lyon à la rue de la Marne, à Poitiers, où le Secours catholique du Poitou a élu domicile il y a quelques mois, la présidente de la délégation passe à confesse sans retenue. Ici sans doute plus qu’ailleurs, la bénévole-née a « appris à dire non », y compris aux plus nécessiteux. Une nécessité pour « prendre du recul et ne pas se noyer ». Un jour, alors qu’elle s’est rendue à l’accueil de jour, un sans domicile fixe à la dérive l’a enlacée. « Juste parce que je l’avais écouté lorsqu’il a eu besoin de parler. J’étais émue aux larmes. Nous étions d’égal à égale. C’est dans ce genre de moments qu’on se sent utile. » Et aussi lorsqu’il faut protéger les bénévoles d’un « pétage de plomb » d’un SDF en colère, porter plainte au commissariat…

« J’aurais voulu 
être médecin »

Ses trois grands enfants (42, 40, 36 ans) et son mari Dominique sont « fiers » de ses engagements, même s’ils signifient un emploi du temps « de salarié à plein temps ». Entre la délégation du Poitou et son rôle de représentante au conseil d’administration du Secours catholique à Paris, l’ancienne professeure de Sciences et vie de la terre passe « facilement plus de 35 heures » en dehors de son domicile de Vouneuil-sous-Biard. Quand on aime… La fille de VRP dans l’industrie pétrolière et d’institutrice s’était jurée gamine d’être « utile ». « J’aurais voulu être médecin, mais je n’ai pas eu le concours… N’empêche, cette notion du « care », du « prendre soin » m’a toujours animée. » Va pour l’enseignement… catholique, bien sûr, pendant vingt-cinq dans la peau d'une enseignante, puis neuf années comme conseillère principale d’éducation. L’aventure s’est arrêtée un peu brutalement, à l’aube de la soixantaine. Mais Catherine Poey s’est très vite épanouie dans son rôle de conseillère à la vie affective. Quatre ans à parler de vie sexuelle auprès de collégiens, de lycéens et même en école primaire vous donnent la certitude que les mentalités peuvent évoluer, sans tabou.

Et qu’il vaut mieux « faire bouger les choses de l’intérieur » que prendre la poudre d’escampette. Un jour, la Vouneuilloise a suggéré aux autres bénévoles de la paroisse Sainte-Clothilde de faire la grève de l’Eglise pendant un mois. « J’ai parfois senti que nous n’étions bonnes qu’à repasser les nappes ! » Sans avoir l’âme d’une féministe, elle se sent de plus en plus féministe dans l’âme. Elle n’hésite pas à esquinter l’institution lorsque c’est nécessaire, notamment sur le sujet des violences sexuelles. « L’institution n’a pas été à la hauteur. On a quand même des victimes dont la vie a été foutue en l’air ! » Madame la présidente concède qu’elle s’emporte parfois trop vite, mais on a les défauts de ses qualités. Car personne ne pourra lui enlever l’amour de son prochain et une certaine forme d’altruisme. La politique ? On ne l’y reprendra plus. Son mandat unique de conseillère municipale dans sa commune lui a suffi à cerner les limites de l’exercice. « Mais de la politique, on en fait tous les jours en alertant les pouvoirs publics sur les dysfonctionnements du système », cette précarité galopante qui l’indigne toujours au plus haut point.

Sport et conflits

Si l’ex-tenniswoman classée 15/2, qui a fini par épouser son professeur, adore rendre service, elle n’oublie pas d’ériger sa famille en « priorité ». Ses deux garçons ont longtemps écumé les terrains de foot du département, leurs enfants assurent aujourd’hui la relève. « J’aurais préféré qu’ils fassent du rugby ! », 
plaisante Catherine Poey, en référence aux origines basques de son mari, ancien responsable du pôle France tennis du Creps de Poitiers et ex-dirigeant du Poitiers Basket 86. Le sport, une école de la vie chez les Poey, même si certains comportements au bord des stades de foot l’ont longtemps exaspérée. A l’image de ce qui se passe dans le monde, gangrené par les conflits. « J’ai des enfants et des petits-enfants et je me demande parfois vers quoi on se dirige. La loi du talion me terrorise. Il faut qu’il se passe quelque chose ! » 


(*)Présidente des congrégations religieuses en France, autrice de plusieurs ouvrages marquants, à l’origine du rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l’Eglise.

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