Régis Collorec en résilience surveillée

Régis Collorec. 52 ans. Ancien coordinateur de l’AFM-Téléthon dans la Vienne. Ex-militaire reconverti dans le convoyage de fonds. Victime d’un Covid long. S’est (re)mis à courir pour s’aérer l’esprit. Signe particulier : a vécu une enfance très difficile.

Arnault Varanne

Le7.info

Pour lui, le deuxième week-end de décembre est en général synonyme d’hyperactivité. Pas sûr que ce soit le cas cette année. Régis Collorec hésite encore à pointer le bout de sa barbe au Téléthon, partagé entre son envie de « profiter d’une activité comme un convive lambda » et sa volonté de « ne pas être dans les pattes de la coordination ». Pendant cinq ans, le Breton d’origine a donné de son temps et de sa personne au profit des patients atteints de maladies rares. L’ancien coordinateur de l’AFM-Téléthon 86 a passé le relais au printemps à Marine Moulin… « Il fallait que je m’arrête. Quand je m’engage, c’est à fond et je me serais perdu. L’heure était venue. » Son épouse Nathalie et ses trois enfants de 21, 15 et 14 ans ont évidemment compté dans sa décision. « Je dois réapprendre à m’occuper d’eux au quotidien… et j’ai aussi du bricolage en retard ! »

« Parti sur de 
mauvaises bases »

A l’issue de ce break d’une durée indéterminée, le convoyeur de fonds compte bien « retourner dans l’associatif », un secteur où l’on donne, certes, mais où « on reçoit beaucoup ». « Bénévole dans l’âme », ce grand sensible qui cache son jeu a passé le demi-siècle mais se sent encore et toujours en construction, après une enfance très difficile dans son Finistère natal. Il jette un voile pudique sur ces années de souffrance, soutien de famille à 12 ans 
-il a trois frères et une soeur-, 
placé en famille d’accueil à ses 16 ans, engagé dans l’armée à 20. « J’ai appris gamin ce qu’il ne fallait pas faire. Je suis parti sur de mauvaises bases… Je me suis construit tout seul grâce à l’armée. » Il faut être costaud dans sa tête pour quitter l’Hexagone « sans rien » et se retrouver à Djibouti presque du jour au lendemain. Le simple appelé devient magasinier en pharmacie d’approvisionnement, basé à l’aéroport. « Un quotidien différent avec un climat difficile sur fond de conflit », se souvient-il aujourd’hui.

« Vivre l’aventure, voir du pays, avoir une vie cadrée. » Des mantras que Régis s’est évertué à ancrer dans la réalité. Du RICM de Vannes (à l’époque) au théâtre de guerre en Bosnie, en passant par la Guadeloupe, le Tchad ou encore Tahiti, Régis Collorec a beaucoup bourlingué en un peu plus de quinze ans de carrière militaire.

Après son dernier poste dans l’informatique à l’état-major, à Nantes, il a préféré dire stop pour rejoindre son épouse à Poitiers, où le RICM a migré en 1995. « Je n’avais pas d’affectation… » Les liens avec le régiment le plus décoré de France ne sont pas tout à fait rompus. Comme il l’avait fait avec l’Amicale des Bretons de Guadeloupe ou de Tahiti, Régis Collorec a intégré la 4e section des anciens du RICM. Il participe aux prises d’arme, revoit avec plaisir les anciens… Engagé, on vous dit. Déterminé aussi. Et résilient par dessus de la marché, même s’il met plutôt le qualificatif dans la case défaut. « Disons que je peux facilement me mettre en colère si je ne suis pas entendu… »

Le Covid long 
sur sa route

Quoi de mieux que la course à pied pour apaiser ses maux ? Ce « fédérateur » dans l’âme s’y est « remis » dix ans après l’arrêt de la clope et, surtout, après un Covid long contracté en octobre 2021 qui l’a beaucoup affecté. « Je ne contrôlais plus rien. » De fatigue musculaire en troubles de la mémoire, Régis a dégusté, co-fondé un groupe de parole, puis s’est refait une santé au centre de rééducation de Nieuil-l’Espoir. La maladie est (presque) derrière lui, nonobstant ces « prénoms et dates qui [lui] échappent parfois ». Mais parce que sa vie est loin d’être un long fleuve tranquille, le résident de Champigny-en-Rochereau s’est trouvé freiné dans sa progression sportive par une fracture de la cheville, contractée à l’Urban Trail de Poitiers, à la rentrée 2022. Rebelote en décembre. D’aucuns auraient lâché l’affaire. Régis s’est accroché et a rechaussé les baskets après cinq mois d’arrêt et presque un an de rééducation. « J’ai besoin de me fixer des objectifs pour avancer, c’est mon mode de fonctionnement », prolonge-t-il. Une fois la parenthèse Tour de la Vienne pédestre refermée avec ses copains, avec au passage 1 200€ collectés au profit d’Octobre rose, le quinqua a mis le cap sur le bien-nommé marathon de la Liberté, le 2 juin 2024 à Caen. Il se prépare activement, à raison de « trois-quatre sorties par semaine », sans se fixer de chrono. « Finir, ce sera déjà bien. »

Restent ces « blessures qui ne s’effaceront pas ». On y revient. « Je sais que je suis sur la bonne voie, mais c’est parfois difficile », 
ajoute-t-il avec pudeur. Dans ces moments-là, Régis Collorec sait pouvoir compter sur son épouse, son roc, un phare dans la tempête. Il s’est aussi nourri de l’énergie des bénévoles de l’AFM-Téléthon pendant toutes ces années. Une mini-société dans laquelle chacun a un rôle à jouer. Nouvelle illustration le deuxième week-end de décembre. Avec ou sans lui ?

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