Anne Péan, l’art et la matière

Conservateur à 28 ans. Directrice des musées de Poitiers à 36. Attend son quatrième enfant. Anne Benéteau-Péan mord la vie à pleines dents.

Christophe Mineau

Le7.info

Les monstres sacrés de la peinture ont façonné son engagement. Ils se nomment Bonnard, Picasso, Gauguin ou Raphaël et figurent pour l’éternité au panthéon des grands hommes. Ils sont surtout dans le coeur d’Anne Benéteau-Péan. Car sans eux, sa vie n’aurait jamais été ce qu’elle est devenue. “Je suis une enfant de 1973, l’année de la crise, souffle la jeune femme. Et de la mort de Picasso…” Cette concomitance n’est pour rien dans l’ascension de l’actuelle directrice des musées de Poitiers, aînée d’une famille vendéenne de cinq enfants. “Pour dire vrai, sourit-elle, je ne me souviens pas être allée une seule fois au musée avec mes parents.” L’aveu est troublant. Et confirme que la vocation est née sur le tard. “Mon père était pourtant un homme d’art et de culture, reconnaît Anne. Si, à son époque, il avait pu épouser cette voie-là, il serait aujourd’hui chanteur lyrique. Quant à ma mère, elle m’a donné le goût pour un autre art, celui de la lecture.”


Coup de foudre

La vocation a donc survécu à l’adolescence. Pour finalement sourire à un coup de foudre. “Au lycée, en 1re, je suis littéralement tombée amoureuse d’un tableau de Bonnard, « L’enfant aux sauts ».” La passion ne cessera dès lors de la dévorer. Après de brillantes études littéraires et l’obtention d’un bac A3 option musique, Anne intègre la célébrissime Ecole du Louvre à Paris, où elle enchaîne les cours d’histoire de l’art et d’archéologie, pour devenir… costumière professionnelle. Elle se ravise bien vite et décide de laisser ses pas la guider vers l’Institut national du Patrimoine. “C’est là que j’ai décroché mon diplôme de conservateur.”

Entre-temps, une maîtrise et un DEA d’Histoire de l’art sont venus garnir sa vitrine. Le sujet de son mémoire ? “Les décors des pompes funèbres en France sous le règne de Louis XIV.” Anne s’en souvient comme si c’était hier. Quinze ans après, elle rêve même d’organiser une expo sur ce thème et imagine déjà Fabrice Lucchini réciter l’oraison funèbre de Bossuet.


Equilibre et harmonie

Depuis 2009, madame le conservateur est devenue directrice des musées de Poitiers (Sainte-Croix, Rupert de Chièvres et Hypogée). “Une nomination que je n’ai pas spécialement recherchée mais qui est venue au moment où je me sentais prête.” Ses missions ? Conserver, transmettre et valoriser le patrimoine. Riches de plusieurs centaines de milliers d’objets, “du plus prestigieux tableau à la plus petite pointe de silex”, les énigmatiques et fabuleux musées poitevins constituent désormais son univers et un pan essentiel de son existence. Ce n’est heureusement pas le seul. “Ma vie, c’est un tout, assure-t-elle. Mon travail, mes enfants et ma vie affective participent d’un équilibre et d’une harmonie indispensables à mon épanouissement. L’un se nourrit de l’autre. Pas question d’être la femme d’une seule activité.

Dans quelques semaines, Anne donnera naissance à son quatrième enfant. Ses responsabilités professionnelles autant que ses passions artistiques ne sauront alors la priver du bonheur de la tendresse et de l’affection. “Dans la vie, il y a des tournants qui s’imposent d’eux-mêmes…”, sourit-elle, pudique et mystérieuse. Après tout, la maternité n’est-elle pas aussi un art ?


 

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