Codéine, la drogue au rabais

L’Agence du médicament (ANSM) envisage de restreindre l’accès à la codéine, un antitussif proche de l’opium de plus en plus utilisé par les ados pour se « retourner la tête ».

Romain Mudrak

Le7.info

Le message d’alerte a été lancé par l’Agence du mé- dicament (ANSM). Depuis quelques mois, cette autorité constate une recrudescence des détournements de certains médicaments contenant de la codé- ine, par des adolescents en mal de sensations de « défonce ». Le signal a immédiatement été relayé par les pharmaciens. « On ne connaît pas l’ampleur du phénomène, mais nos instances nationales nous ont appelés à faire preuve d’une vigilance particulière », indique Jean-Marc Glénot, président du Conseil de l’ordre des pharmaciens du Poitou-Charentes. Qui ajoute : « C’est en questionnant les jeunes clients que nous devons vérifier la cohérence de la prescription. » Un autre pharmacien indique demander systématiquement la carte vitale, ce qui a le don de faire fuir les resquilleurs.

A la base, la codéine est un antitussif très efficace. Mais ce dérivé de l’opium engendre aussi une « dépression du système nerveux central qui provoque la somnolence et une légère euphorie », précise le Dr Patrick Mura, chef du service de toxico- logie et de pharmacocinétique au CHU de Poitiers. Voilà qui ex- plique pourquoi cette molécule reçoit les faveurs de certains jeunes. D’autant que la codéine reste bon marché et surtout qua- siment en vente libre. « Depuis longtemps, je trouve aberrant qu’un médicament proche de la morphine soit aussi facile d’accès, poursuit le Dr Mura. En-dessous de 30mg, pas besoin d’ordonnance. Pour un client, il est assez simple d’aller d’une pharmacie à l’autre pour s’en procurer. »

Mélanges risqués
Face à ces détournements de plus en plus fréquents, l’Agence du médicament vient d’annoncer qu’elle envisageait de restreindre l’accès à la codéine par différents leviers juridiques. Toutefois, l’heure n’est pas à la tergiversation. Au-delà de l’addiction incontournable, ce genre de produits peut avoir des conséquences néfastes sur des organes en développement, comme ceux des adolescents. De plus, le risque d’overdose n’est jamais loin. Pire, les médicaments vendus sur le marché combinent souvent de la codé- ine avec un antalgique comme le paracétamol qui, lui, « détruit le foie s’il est consommé en trop grande quantité », avertit le toxicologue.

Selon Amélie Boureau-Voltury, médecin aux urgences pédiatriques du CHU, aucun cas de surconsommation n’a encore été signalé à l’hôpital de Poitiers. Mais consciente de l’émergence de ce phénomène, elle lance un véritable message de prévention lors de chaque prise de parole devant des groupes de jeunes. En espérant que cela suffise.

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