Gérard Briet, leçon de vie

Atteint de cécité depuis ses 25 ans, Gérard Briet porte un regard décalé sur le handicap et les turpitudes de la vie qui l’accompagnent. Portrait d’un antimisérabiliste.

Arnault Varanne

Le7.info

Il l’accepte “par la force des choses”. Avec le temps, Gérard Briet a appris à dompter ses impatiences, à renfrogner cette colère sourde qui le taraudait tant au début des années 90. La vie lui a retiré l’usage de ses yeux en 1988. À 25 ans. En pleine force de l’âge. “J’étais comptable, j’aimais mon métier…”. Du jour au lendemain, cette fichue rétinite pigmentaire lui a, en sus, fermé les portes des chiffres à double tour. Une sorte de double peine que Gérard mit “dix bonnes années à surmonter”. Pendant cette longue décennie, ce fils de paysans de la Haute- Marne eut l’impression de jouer les utilités, sans perspective d’un avenir professionnel épanouissant.

À force de mûrir sa résurrection, Gérard se mit donc en quête d’un ailleurs. Cet “ailleurs” passa d’abord par la capitale avec terminus à Poitiers. “J’ai réussi le concours de standardiste(*) et j’ai atterri ici, en Poitou-Charentes.” Mauvaise pioche ? “Disons qu’en arrivant, j’ai trouvé la ville froide. Je ne voulais rien imposer à personne. Mais quand on est non-voyant, ce n’est pas facile.” Ni militant associatif, ni adepte du chien guide d’aveugle, Gérard se plaît à “vivre comme les autres” “au milieu des autres”, sans distinction aucune. Las… Les autres, précisément, le renvoient sans cesse à sa condition de “personne handicapée”. “Je ne suis pas dupe, il arrive que les gens s’adressent à d’autres ou détournent leur chemin du mien. Certains haussent également la voix. Mais je ne suis pas sourd !”


La perche du bon dieu

Face à l’adversité et à la peur que le handicap génère chez les valides, cet amateur de foot -“à la radio”- fait avec. Car la vie a lesté son paquetage d’autres surprises plus agréables. “Le bon Dieu m’a tendu une perche”, confie ce catholique pratiquant avec une simplicité désarmante. Ainsi, c’est dans la foi que Gérard a rencontré sa future épouse,
Françoise. D’elle, il dit ceci : “C’est la plus belle rencontre de ma vie. Elle a arrêté de travailler pour s’occuper de notre famille. Moralement, je trouve cela beau.”


Tolérance et respect de l’autre

Le “coeur rempli d’amour”, le couple s’est naturellement tourné vers l’adoption. Depuis quelques années, Soline (13 ans) et son frère, Samuel (9 ans) mettent de la vie dans le pavillon des Briet, à Beaulieu. Trop peut-être parfois. “Ils sont bordéliques, comme tous les jeunes. On leur apprend donc à ranger les choses pour me faciliter la vie.” Soline et Samuel ont reçu le message du “paternel” cinq sur cinq. Idem s’agissant de “la tolérance et du respect de l’autre”, deux valeurs cardinales.
Au-delà, les Briet partagent les mêmes moments de complicité que n’importe quelle autre famille poitevine. Longues marches, séquences jardinage et sorties “basket” à Saint-Eloi agrémentent leur quotidien. Gérard, lui, vit et vibre les soirs de matchs du PB 86. Comme en communion avec le public. Enfin apaisé, en paix avec lui-même et “heureux”. “Vous l’écrirez, hein ?!”…

(*) Gérard Briet est standardiste à la Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

 

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