Maux et usage de mots

Daniel Marcelli, 63 ans. Auteur compulsif, cepédopsychiatre poitevin fait autorité dans le milieu médical. Sans pour autant s’afficher dans les médias de masse. Ses ouvrages tantôt techniques tantôt grand public lui servent de talismans.

Arnault Varanne

Le7.info

Quarante-cinq minutes. Pas une de plus. Ce jour-là, Daniel Marcelli est pressé. Les consultations s’enchaînent à la vitesse de l’éclair. Le chef du service de psychiatrie de l’enfance et de l’adolescence au CHU de Poitiers consent tout de même à se livrer un peu entre deux séances avec de jeunes patients en mal de vivre. Son dernier ouvrage, “Il est permis d’obéir”(*), éclaire le quidam sur le distinguo entre obéissance et soumission. “L’obéissance construit, la soumission détruit”, assène le professeur. Qui pointe au passage les “comportements très archaïques dans l’éducation des enfants.” La pédiatre et députée UMP, Edwige Antier, vient justement de proposer une loi sur le thème de l’“interdiction des châtiments corporels”. Daniel Marcelli approuve l’initiative si celle-ci vise à “montrer ce qu’est la normalité”.


“L’expérience, un trésor essentiel

Rien de plus. Lui, la “normalité”, il s’emploie à l’expliquer à longueur de journées aux parents médusés par le comportement de leur enfant. Il se méfie comme de la peste de ces “médias de masse”, dans lesquels certains de ses collègues se répandent –on ne citera pas de nom- et improvisent des consultations en direct devant des millions de téléspectateurs.

Le chef du service de l’enfance et de l’adolescence du CHU de Poitiers déplore “les effets un peu magiques” d’une conversation téléphonique de 10 minutes qui, au fond, “ne règle rien”. Une sorte de placebo médiatique qu’il exècre. Afin de transmettre son savoir, Daniel Marcelli se “contente” d’une chronique bimestrielle dans Psychologies Magazine, de quelques saillies médiatiques distillées ici et là avec justesse, des conférences, ainsi que de ses ouvrages (une vingtaine à ce jour). “Tant que ma santé psychologique me permettra de penser, je continuerai à exercer mon métier...”, admet-il tout sourire, la soixantaine pimpante. C’est que la psychiatrie élève ses disciples au rang de maîtres au fil des années et des expériences. “L’expérience est un trésor absolument essentiel...” La raison et la passion le conduisent donc à poursuivre jusqu’à une date indéterminée.
 


“Pas de logiciel pour compacter le temps”

Et pourtant, entre ses débuts et aujourd’hui, le monde a changé, les rapports se sont profondément modifiés. “Notre société vit de plus en plus dans l’immédiateté, l’urgence or, fondamentalement, l’éducation d’un enfant prend une vingtaine d’années, qu’on le veuille ou pas. Et, à ce jour, on n’a pas inventé de logiciel pour compacter ce temps.” Dans ce monde où tout fout le camp, Daniel Marcelli opère lui aussi sa mue, sans jamais endosser le costume du nostalgique tenant du “c’était mieux avant”.
Amoureux de la philosophie, le pédopsychiatre cite volontiers Platon en apôtre du relativisme. En sus de l’écriture, la lecture s’apparente à une autre façon de s’évader –mais pas trop- des “affres” de son quotidien. Daniel Marcelli aime les philosophes contemporains -François Jullien en tête- et les auteurs de romans nord-américains. Sur sa table de chevet, le dernier Philip Roth trône du reste en excellente place. On allait presque oublier l’essentiel : Daniel Marcelli détient son brevet de pilote et concède, à la manière d’un gamin pris en faute, “adorer la vitesse”. Où l’on reparle de temporalité...

(*) “Il est permis d’obéir : l’obéissance n’est pas la soumission”, éditions Albin Michel, septembre 2009.
 

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