Poitiers, là où tout commence

Pour fêter ses quarante ans d’existence, le Poitiers Film Festival accueille le réalisateur Asif Kapadia, dont la carrière a débuté à Poitiers. Le cinéaste britannique présentera ce dimanche son dernier long-métrage, « Amy ». Entretien.

Florie Doublet

Le7.info

En 1997, lors des Rencontres Henri-Langlois, vous aviez remporté le prix de la mise en scène avec le court métrage The Sheep Thief. Cette récompense a t-elle été un tremplin ?
« Oui, tout à fait. J’ai vraiment été chanceux que mon court métrage soit repéré en France. Ce festival a été une étape très importante pour moi. C’est à Poitiers que tout a commencé et je m’en souviendrai toute ma vie. »

Vous avez ensuite été très prolifique. The Warrior, The Return, Far North, Senna et enfin Amy… Y a-t-il un fil conducteur qui lie ces oeuvres ?
« Il existe effectivement un lien entre mes films. La plupart de mes personnages ne correspondent pas à la norme. Ils sont en dehors du « système ». Ce sont des marginaux qui doivent se battre pour trouver leur place dans la société. Tous ont également besoin de faire partie d’une famille unie. C’est un thème récurrent. »

Votre documentaire sur Amy Winehouse, qui sera présenté lors du Poitiers Film Festival, a été très remarqué à Cannes. Il a été plusieurs fois primé. Comment expliquez-vous ce succès ?
« Je dois ce succès au public et à la critique. C’est une véritable chance qui m’a été offerte encore une fois en France. C’est un parcours incroyable ! »

Vous répétez que vous êtes chanceux. N’êtes-vous pas également talentueux ?
« (Rires) En réalité, le talent est souvent surestimé. Je pense qu’il faut surtout beaucoup travailler, se montrer persévérant et tout donner pour son film. Mentalement, cela peut être éprouvant. Avoir du génie ne suffit pas. »

Revenons à votre documentaire sur Amy Winehouse. Comment avez-vous construit ce film ? Quel était votre objectif ? 
« J’ai grandi au nord de Londres, dans le même quartier qu’Amy Winehouse. Nous aurions pu nous croiser dans la rue, fréquenter la même école. Elle aurait pu être mon amie. C’était une fille ordinaire qui a vécu une existence extraordinaire. Je voulais comprendre ce qui lui était arrivé. Comment cette fille brillante, drôle et intelligente a-t-elle pu sombrer sous nos yeux ? J’ai mené ma propre investigation… »

Comment avez-vous enquêté ?
« Je n’avais aucun script, je partais d’une feuille blanche. J’ai parcouru les Etats-Unis, l’Angleterre, la France et bien d’autres pays pour rencontrer les proches d’Amy. J’ai finalement interviewé plus de cent vingt personnes. C’était très difficile de convaincre ces gens de me parler. J’ai dû nouer une véritable relation de confiance. Mais je crois que l’important dans tout cela était de rétablir la vérité. Leur vérité. »

Certaines rencontres vous ont-elles marquées ?
« Oui, les amies d’enfance d’Amy, Juliette et Lauren, car elles l’ont connue avant sa période de célébrité. Elles n’avaient encore jamais livré leur témoignage. Son premier manager, Nick Shynanski, a lui aussi beaucoup apporté au film. Grâce à eux trois, j’ai compris que les chansons d’Amy reflétaient sa vie d’une manière particulièrement intime. Elle écrivait pour des raisons extrêmement personnelles. »

Vous serez présent lors de la projection de votre documentaire à Poitiers. Quel serait votre conseil aux jeunes réalisateurs qui participent à ce festival ?
« Restez vous-même, utilisez votre propre histoire pour écrire vos films, travaillez dur et croyez en vous. N’oubliez pas que la richesse du cinéma, c’est de pouvoir s’exprimer librement. Je suis vraiment heureux de revenir à Poitiers. En fait, je crois que je ne suis jamais vraiment parti… »

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