« Le nombre de journées scolaires est trop faible »

Expert en sciences de l'éducation, Philippe Meirieu est le grand témoin de la Biennale internationale de l'éducation nouvelle, qui s'ouvre aujourd'hui à l'Esenesr (*). Il interviendra dimanche en clôture de l'événement. Avant cela, l'ex-directeur de l'Institut national de recherche pédagogique (INRP) animera, dès ce soir (20h30), une conférence gratuite à l'Espace Mendès-France.

Romain Mudrak

Le7.info

Quels sont, pour vous, les enjeux de cette première Biennale de l'éducation nouvelle ?
« L'éducation nouvelle est née en 1921 à Calais, à partir de trois grands principes. Après la Première Guerre mondiale, la réconciliation des peuples devait passer par l'éducation et la culture. Ces deux domaines devaient être démocratisés le plus possible. Enfin, elle reposait sur des méthodes d'apprentissage actives allant à l'encontre des cours magistraux, s'appuyant sur la mémoire des enfants et les automatismes. Les gens s'interrogeaient sur leur avenir. Dans une certaine mesure, c'est pareil aujourd'hui. La civilisation des « 30 glorieuses » bat de l'aile, des tensions identitaires apparaissent, notre société est plus individualiste et dominée par la concurrence. Par ailleurs, les découvertes scientifiques se multiplient avec les neurosciences et le numérique. L'Education nationale est en pleine régression en termes d'innovations pédagogiques et, pourtant, je suis certain qu'il y a un avenir pour l'éducation nouvelle au sein de l'Education nationale. Voilà de quoi nous devrons parler pendant cette Biennale à Poitiers. »

Vous dites que l'Education nationale est en pleine régression en termes d'innovations pédagogiques. A quoi pensez-vous ?
«L'Education nationale ne pousse pas à l'entraide entre les élèves par exemple. Les classes multi-niveaux permettraient des coopérations entre élèves de niveaux différents. C'est plus de solidarité et moins de repli sur eux-mêmes. De la même manière, la répartition du temps au collège et au lycée, avec une heure de telle matière et après on change... Cela constitue un obstacle significatif à la mobilisation des jeunes pour une discipline. Dernier exemple, l'Education nationale donne globalement peu de place à l'activité manuelle. En revanche, aujourd'hui, on laisse facilement les enfants devant des écrans. Résultat, les écoles alternatives fleurissent dans le privé. Montessori, Steiner et les autres utilisent les méthodes de l'éducation nouvelle. Faut-il les laisser au privé seulement ? Je ne le crois pas

En termes de répartition du temps, vous avez cosigné une tribune contre la semaine de quatre jours. Quelle est votre analyse ?
« La semaine de quatre jours est une mauvaise idée parce qu'elle retire trente jours par an de fréquentation scolaire. Certes, le nombre d'heures de cours ne change pas. Mais il faut bien faire la distinction. Si l'enfant est dans un milieu favorisé, il fera partie d'un club ou une association le mercredi matin. Dans le cas contraire, et s'il n'a pas la chance de vivre dans une municipalité qui propose des activités, il restera devant son joystick, sa télé ou au pied des tours. Ce sont trente jours d'activités socialisantes en moins, avec des adultes qui sont là pour réguler, où on apprend à respecter autrui... Plus globalement, je suis favorable aux quatre jours et demi comme moindre mal. Mais la France est un pays où le nombre de journées scolaires est trop faible par rapport aux vacances scolaires. Il faudrait augmenter le nombre de jours de fréquentation scolaire avec des journées plus courtes. Surtout qu'après 15h, l'enfant est fatigué. L'apprentissage est plus efficace le matin. Je suis pour la semaine des cinq matins. Toute le monde sait ce qu'il faut faire, mais personne n'ose. »

(*) L'Ecole supérieure de l'Education nationale et de l'enseignement supérieur se situe sur la Technopole du Futuroscope (téléport 2).

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